By Cyril Boudet on lundi 24 juin 2019
Category: Actualités publiques

Retour sur le BCLA - Clinical Conferences and exhibition

Du jeudi 30 mai au samedi 1er juin s’est tenu le congrès du BCLA. Ayant lieu tous les deux ans, c’est un des congrès les plus attendus par les optométristes. Pour cette édition 2019, l’Association des Optométristes de France, qui a pour objectif de faire du COC un congrès d’envergure internationale, a décidé d’y envoyer une délégation. Un membre de son Conseil d’Administration, Camille Schmitt, nous fait le compte rendu de son expérience à Manchester.

« Pour cette première édition à Manchester, le BCLA a fait dans le grandiose : des espaces immenses, des congressistes venus du monde entier, des conférenciers plus reconnus les uns que les autres, des exposants qui mettent en œuvre des moyens impressionnants sur leurs stands… voici mon récit de ces trois journées intenses.

Pour commencer j’ai décidé de suivre les conférences dans l’amphithéâtre : ouverture du BCLA par le discours du Président, puis on aborde le sujet du confort en lentilles, quelles lentilles prescrire, les interactions avec le film lacrymal…

Il n’est pas toujours simple de savoir quelle lentille adapter et pourquoi ! Un point sur quelques éléments clés discutés au BCLA :
- Le renouvellement: l’observance du renouvellement des lentilles est très mauvaise : en Amérique du Nord 10 à 15% des personnes reportent leurs lentilles journalières après une journée d’utilisation, 50 à 55% dépassent les 15 jours pour les lentilles bimensuelles et pour les lentilles mensuelles c’est entre 25% et 35% des porteurs qui sont négligents. Que dire de l’observance concernant les étuis… seulement 4% nettoient correctement leur étui (5% le prêtent, 2% stockent leurs lentilles dans un verre, 20% le remplacent tous les ans voire moins, 20% ne le nettoient pas…). Ces arguments nous amènent à penser qu’une lentille journalière sera surement plus indiquée !
Depuis peu, ce sont donc les lentilles journalières qui sont star, mais comment choisir entre hydrogel ou silicone-hydrogel ?
- Le matériau : Pourquoi le Si-Hy plutôt que l’hydrogel ? Souvenez-vous, œil ouvert, pour Holden et Mertz il faut un dk/e de 24 au minimum pour éviter l’œdème cornéen et un dk/e de 35 pour éviter l’hypoxie d’après Harvitt et Bonanno. Très peu de lentilles journalières en hydrogel dépassent le dk/e de 35… et beaucoup plus de porteurs qu’on ne le pense dorment ou font une sieste avec leurs lentilles (jusqu’à + de 50% en fonction des études!). Il faut donc prévoir que, peu importe notre discours, certains le feront, c’est pourquoi il faut se tourner vers les études sur œil fermé et là le dk/e nécessaire pour éviter un œdème cornéen monte à 87 (Holden et Mertz) et pour éviter l’hypoxie à 125 (Harvitt et Bonanno + Papas), ce que seules les lentilles en silicone-hydrogel atteignent.


Les experts s’accordent donc à dire que la solution la plus viable et sécuritaire pour nos porteurs reste la lentille journalière en silicone-hydrogel.


Les 3 freins habituels :
- Le prix, mais 80% des gens seraient prêts à payer un peu plus cher que ce soit parce que leur professionnel leur recommande ou parce que le matériau est plus sécuritaire.

- Les allergies au silicone, mais les symptômes que nous pourrions prendre pour une allergie au silicone découleraient en réalité de réactions aux dépôts sur les lentilles, d’une mauvaise adaptation ou d’une mauvaise observance, finalement.

- Le confort, mais il a été prouvé qu’il n’y a pas de différence significative de confort entre l’hydrogel et le silicone-hydrogel…
Les freins sont donc levés, à vos adaptations !

Le BCLA a aussi été l’occasion de parler d’un sujet d’actualité : la freination de la myopie en lentilles. La myopie est devenue un problème de santé publique puisqu’en 2050 la moitié de la population pourrait en être atteinte. La myopie, outre le fait de pénaliser la vie quotidienne, peut entrainer des pathologies graves.

Pour synthétiser : 50% des enfants de 6 ans hypermétropes de +0.50 risquent de devenir myopes aux alentours de 12ans, pour certains il faut donc traiter le plus tôt possible, dès qu’une prise de myopie est visible. Plusieurs solutions :


- Lentilles souples :

o Les lentilles multifocales à VL centrale (Biofinity MF D et Acuvue oasys MF) : il faut privilégier une addition de 2.50 (HIGH) et très souvent revoir la VL de 0.50 à 0.75 plus concave pour avoir une vision nette (c’est sur ce point qu’insiste l’orateur puisque certaines études sont faites sans cet élément et sont donc faussées puisque les enfants n’ont pas une vision optimale).
o Les lentilles pour la freination myopique (MiSight) : lentilles présentant une défocalisation myopique périphérique limitant l’évolution de la myopie ET l’augmentation de la longueur axiale de l’œil. Lentille journalière en hydrogel, de -0.25 à -6.00 (les enfants étant bien plus observant que les adultes, aucun n’a présenté de complication). De plus, Misight ne change pas la réponse accommodative.
o Ortho-kératologie : lentilles rigides à port nocturne remodelant la cornée afin de ne pas avoir de correction la journée. Pour que la freination de la myopie fonctionne en ortho-K il faut veiller à ce que la partie convexe de la zone optique soit en corrélation avec le diamètre pupillaire du porteur. Une étude a démontré que l’ortho-K fonctionnait mieux que les lentilles MF. La gamme est plus importante et l’astigmatisme peut être corrigé contrairement aux lentilles souples où le port de lunettes par-dessus les lentilles est parfois inévitable.

- L'atropine : après plusieurs études c’est l’atropine 0.01% qui aurait la meilleure efficacité avec le moins d’effets secondaires : la réponse accommodative est diminuée de 4.6 alors qu’elle l’est de 10 et 11 avec de l’atropine 0.1% et 0.5%, on ne constate pas d’effet rebond après 2 ans contrairement aux autres concentrations mais la même élongation axiale…

- Lunettes multifocales  : marchent surtout pour les esophores VP avec un LAG > norme.


En somme, la solution la plus efficace est la combinaison atropine + ortho-K, même si l’atropine doit rester une solution de dernière intention à envisager si l’ortho-K seule ne suffit pas à stopper la progression myopique.
Le discours est important, le personnel doit être formé, les parents informés de la manière la plus judicieuse possible : la majorité des parents pensent qu’adapter un enfant avant 12ans est risqué, mais après leur avoir exposé les complications possibles, 82% changent d’avis. Prévention ? Dire aux emmétropes de passer du temps dehors.



Beaucoup d’autres thèmes ont finalement été abordés : conjonctivite et démodex, efficacité des produits lentilles, nouveautés dans le traitement de l’œil sec, comparaison entre le matériel optométrique, adaptation des lentilles sclérales, cas cliniques pathologiques…


Enfin, ce congrès est un formidable moyen de rencontrer des gens acteurs de l’optométrie en Europe et ailleurs. Vivement le prochain ! »

Camille Schmitt