PARTIE 2 : LES PRATIQUES EN SANTÉ VISUELLE - RÉSULTAT DE LA GRANDE ENQUÊTE MENÉE PAR L’AOF.
L’Association des Optométristes de France a lancé en février 2017 une grande enquête destinée à dresser un instantané de la pratique des 4O, Optométristes, Opticiens, Orthoptistes et Ophtalmologistes.
L’enquête a récolté plus de 2000 participants, la majorité venant des opticiens (55,4%) et des optométristes (35,6%), un nombre significatif d’orthoptistes (7,6%) a également pris part à cette étude. Les ophtalmologistes (1,1%) n’ont que faiblement participé, de ce fait nous ne publierons pas leurs réponses.
LE NIVEAU DE FORMATION :
LES OPTICIENS :
37% des opticiens ont poursuivi leur étude vers une formation en optométrie de niveau licence ou plus.
Le niveau licence nous semble aujourd’hui indispensable pour faire face aux nouvelles prérogatives en santé pour les opticiens, une licence pourrait également permettre de réguler la démographie exponentielle des opticiens.
LES OPTOMÉTRISTES :
En France l’optométrie n’est pas règlementée, pour autant il existe des diplômes délivrés par l’Etat et des diplômes permettant l’exercice en Europe.
L’absence de règlementation pose des difficultés pour affirmer avec certitude qui est optométriste, et qui ne l’est pas. Il est facile de comprendre que cette situation est source d’incompréhension. Dans ce sondage 74% des répondants se considérant Optométristes ont un niveau de formation Bac+5 ou supérieur.
L’Association des Optométristes de France (A.O.F.), l’European Council of Optometry and Optics (E.C.O.O.) et le World Council of Optometry. (W.C.O.) reconnaissent comme Optométristes les professionnels ayant un niveau de formation master, maîtrise ou Diplôme Européen.
Ce choix vise à imposer le meilleur niveau de formation disponible et à tirer vers le haut l’ensemble de la filière optique.
LES PRATIQUES DES DIFFÉRENTS PROFESSIONNELS DE LA FILIÈRE :
Actuellement, un nombre très important de professionnels pratique la réfraction.
Les récents décrets élargissent considérablement les compétences des différents acteurs, des compétences en dépistage vont devenir indispensables, que ce soit pour renouveler en toute sécurité des ordonnances valables maintenant 5 ans, ou afin d’obtenir de nouvelles délégations de tâches qui viseraient à décharger les ophtalmologistes.
LE LIEU DE PRATIQUE DES OPTOMÉTRISTES FRANÇAIS :
Si les optométristes sont encore majoritairement en magasin, nous constatons qu’un nombre exponentiel de professionnels fait le choix d’exercer en milieu médical. (Augmentation de 210% d’optométristes exerçant en milieu médical VS sondage adhérent AOF 2015)
Les optométristes sont également nombreux à exercer dans l’industrie, principalement dans le domaine de la contactologie, mais également dans le domaine de la chirurgie réfractive ou dans les laboratoires de fabrication de verres ophtalmiques.
Enfin, les optométristes participent très activement aux formations de la fillière visuelle, puisque si 3% des optométristes sont enseignants à temps plein, 14.5% des optométristes en exercice sont également enseignants à temps partiel.
ET LES ÉTUDIANTS EN OPTOMÉTRIE ?
Du coté des étudiants en optométrie le constat est sans appel, une immense majorité envisage d’exercer, au moins un certain temps, en milieu médical :
L’augmentation exponentielle du nombre d’optométristes en milieu médical s’explique par le fait que l’exercice en magasin devient de moins en moins attractif. Le marché de l’optique a subi une véritable mutation et promet un avenir inquiétant pour les jeunes diplômés :
- Arrivée et évolution des réseaux de soins, avec des contraintes de plus en plus lourdes pour les opticiens, et perte du choix du professionnel de santé pour les patients
- Attaques médiatiques à répétition
- Surenchère des offres commerciales qui décrédibilisent l’image de professionnel de santé
- Ouverture du marché et arrivée de nouveaux acteurs
- Saturation du marché qui limite les possibilités d’installation
Il nous semble évident pour ces prochaines années qu’un nombre croissant d’optométristes fera le choix d’exercer en milieu médical, à la recherche d’échanges, et de travail d’équipe.
LA PRESCRIPTION-VENTE, LE POINT DE VUE DES OPTOMÉTRISTES :
L’Association des Optométristes de France a étudié les différentes possibilités de séparation ou non de la prescription et de la vente.
La priorité pour les optométristes est aujourd’hui de pratiquer à la hauteur de leur formation. S’ils doivent choisir entre prendre en charge les besoins visuels de la population, et vendre des équipements optiques, une immense majorité choisit de s’orienter vers l’aspect médical. C’est d’ailleurs le choix qu’ils ont fait en suivant ces formations. S’ils voulaient vendre des équipements optiques, le BTS suffisait, et s’ils voulaient monter un business, ils auraient choisi une école de commerce et non un master en biologie et santé.
LES PRATIQUES EN MAGASIN :
Le niveau de formation a une influence directe sur les pratiques des professionnels en magasin.
Dans les domaines de la réfraction, de la contactologie, ou de la basse vision, les optométristes pratiquent régulièrement, et les opticiens plus occasionnellement. Les opticiens qui pratiquent sont, dans 65% des cas, titulaires d’une licence.
Les ordonnances étant maintenant valables de 3 à 5 ans, cela signifie potentiellement que certains patients pourraient ne pas consulter d’ophtalmologistes pendant une durée allant jusqu’à 7 ou 10 ans. De fait, des compétences en dépistage semblent devenir indispensables. Il est regrettable pour les consommateurs qu’il ne soit pas fait de différence entre les compétences des différentes formations : BTS, Licence ou Master.
FOCUS SUR LA CONTACTOLOGIE :
Les optométristes, les opticiens et les orthoptistes :
Parmi les opticiens réalisant des adaptations lentilles, 73% ont un niveau licence ou supérieur. Une nouvelle fois, le niveau licence apparait être le minimum requis pour répondre aux développements des compétences paramédicales des opticiens.
Néanmoins, un nombre significatif d’opticiens ne répond pas aux critères nécessaires à l’adaptation lentilles : 17% de ces opticiens n’utilisent pas de système grossissant permettant d’observer la lentille sur l’œil, 8% n’ont pas d’espace dédié isolé.
A l’inverse, 100% des optométristes utilisent une lampe à fente, 98% ont un espace dédié à la contactologie. Parmi les 18.5% d’optométristes déclarant ne pas adapter de lentilles dans leur activité, 95% déclarent avoir une expérience significative en adaptation lentilles.
Les prescripteurs :
Du coté des prescripteurs, l’ensemble des professionnels en magasins (opticiens et optométristes) déclarent qu’en moyenne 55.4% des ophtalmologistes laissent une liberté dans l’adaptation et les essais lentilles. Nous notons toutefois de fortes disparités régionales.
Quelles pratiques pour les opticiens et optométristes réalisant des adaptations lentilles en magasins :
Les adaptations en magasin sont réalisées soit par des optométristes (bac+5), soit par des opticiens (73% au niveau bac+3).
Ces opticiens réalisent des adaptations de lentilles simples, principalement des lentilles souples, parfois des rigides, mais très peu de lentilles de spécialités (LRPG torique, multifocale, géométrie pour cornée irrégulière, sclérale, orthokératologie.). Ces adaptations techniques sont prises en charge par les optométristes.
Les opticiens adaptateurs ont en moyenne 3.15 ophtalmologistes qui leur délèguent personnellement les adaptations lentilles complètes.
Les optométristes ont en moyenne 4.22 ophtalmologistes qui leur délèguent personnellement les adaptations lentilles complètes.
Ici encore, le niveau de formation est valorisé, les ophtalmologistes accordent leur confiance plus facilement au professionnel de niveau Bac+5 comparativement à un niveau Bac+2/+3, alors que ces professionnels ne communiquent pas sur leur niveau de formation.
Il existe sur le territoire français un nombre croissant de magasins d’optique qui sont devenus des référents locaux pour les adaptations en lentilles de contact. Certains d’entre eux se concentrent uniquement sur les lentilles et sont centres de contactologie. Ils travaillent en étroit partenariat avec les ophtalmologistes.
UN POINT SUR LES « ERREURS OPHTALMOLOGISTES » :
L’ensemble des professionnels en magasin déclarent que 8.2% des prescriptions sont erronées.
Depuis le décret sur les nouvelles prérogatives des opticiens, publié en octobre 2016, les opticiens ne peuvent plus modifier les prescriptions initiales.
Jusque-là, lors d’un problème d’adaptation lunettes, les opticiens ou optométristes prenaient fréquemment en charge le porteur et recommandaient directement les verres lorsqu’ils pouvaient régler eux-mêmes les plaintes du porteur, ou le renvoyait vers l’ophtalmologiste si nécessaire.
Dans un contexte où les ophtalmologistes sont enlisés par les besoins médicaux, il nous paraît aberrant de leur renvoyer 8% de leurs patients pour des problèmes de réfraction dans l’immense majorité des cas.