Après avoir évoqué dans notre précédente News la formation envisagée pour l’opticien de santé, nous avons retenu une 2e intervention lors de la 40e édition du Congrès d'Optométrie et de Contactologie : comment l’opticien doit s’adapter pour lutter contre le non-recours aux soins optiques ?
Pour dresser un état des lieux de la filière visuelle en France et évoquer les freins actuels, ont pris la parole :
- Laure-Anne Copel, secrétaire générale du CIO (Conseil Interprofessionnel de l'Optique),
- Yves Matillon, ancien conseiller spécial du ministre de la Santé et des affaires sociales puis du ministre de l’Éducation et de la recherche,
- Marc Greco, délégué général du Synom (Syndicat national des centres d'optique mutualistes),
- Matthieu Gerber, président fondateur des Opticiens Mobiles,
- Thibaut Pichereau, délégué général du Rof (Rassemblement des opticiens de France),
- Yannick Dyant, président de l'AOF (Association des optométristes de France).
En préambule, le président de séance Bastien Laumonier a rappelé les principales causes du non-recours aux soins visuels : le frein financier, la perte d'autonomie et la dépendance, les lacunes en termes de prévention et de dépistage, les problèmes d'accès à la consultation et à la prescription, comme l'indique Marc Gréco : « selon le rapport de l’Igas, il y a aujourd’hui 22 millions de consultations chez l’ophtalmologiste chaque année, mais à l’horizon 2025 il y aura 17% de rendez-vous en moins par manque de spécialistes (soit 3 500 000 rendez-vous en moins, ndlr) ».
Les intervenants se sont exprimés en faveur d'une meilleure répartition des rôles entre les opticiens, ophtalmologistes et orthoptistes pour améliorer la situation et l'accès aux équipements optiques. D'autant que, rappelons-le, les besoins visuels vont continuer à croître : hausse de la prévalence de la myopie (d'après les chiffres communiqués par l'Asnav, 8% des Français avaient éprouvé pendant la pandémie des symptômes visuels qu’ils n’avaient jamais ressentis auparavant), vieillissement de la population (d'ici 2027, près de 20 millions de Français auront plus de 60 ans). « De part son maillage territorial, sa proximité et sa formation qui doit être revue pour favoriser le dialogue avec le cadre médical, l'opticien est le plus adapté à pouvoir répondre aux besoins locaux. Il a une carte à jouer en matière de prévention, de suivi et de dépistage sans retirer le rôle central de l'ophtalmologiste », a insisté Thibaut Pichereau.
Quel pourrait être le rôle de l'opticien ?
Dans cette logique de coopération entre les différents professionnels de santé, Laure-Anne Copel a présenté 3 axes du livre blanc du CIO :
Mettre en place des campagnes de sensibilisation et de dépistage. « Elles seront instaurées prochainement mais nous souhaitons que l'opticien joue pleinement sa part dans toutes ces actions de sensibilisation et de dépistage », a-t-elle déclaré.
Rendre obligatoire les examens de vue notamment à l'entrée des cycles scolaires.
Assurer des consultations chez l'ophtalmologistes à 4 étapes clés : 3, 18, 42 et 62 ans et mettre en place un suivi des patients concernés qui intègre pleinement les opticiens et les orthoptistes.
« Nous proposons également de repositionner l'opticien comme professionnel de santé sur tous les sujets d'innovations notamment à travers la mise en place de protocoles de coopération pour le suivi des pathologies évolutives et de s'appuyer sur la télésanté en magasin d'optique dans un cadre juridique sécurisé », a fait savoir la secrétaire générale du CIO. « En s'appuyant sur les dispositifs existants : téléconsultation, téléexpertise…, nous pensons que l'opticien de santé pourrait réaliser certains actes et être de facto un relais local vers l'ophtalmologiste dans un premier temps sans réaliser de diagnostic. Le praticien aurait ainsi toutes les mesures fournies pour prendre ses décisions via un acte en plus de consultation à distance », a détaillé le délégué général du Rof.
Valoriser les prérogatives de l'opticien
Même si pour l'heure, cette dernière proposition peut paraître prématurée sachant que la réforme de la formation est au point mort, la question centrale reste la suivante : comment simplifie-t-on les parcours de soins ? En premier lieu, l'AOF, le Rof, le synom et le CIO militent pour que les pouvoirs publics communiquent sur tous les dispositifs existants, notamment le renouvellement avec adaptation par l'opticien en magasin. « On sait qu'une communication publique sur le parcours de soins en santé visuelle va être mise en place prochainement. Il faut impérativement que celle-ci ne porte pas que sur les changements qui entrent en vigueur actuellement, mais rappelle le rôle de tous les professionnels, dont les opticiens et ses compétences en matière d'examen de vue et de renouvellement », a précisé Laure-Anne Copel.
Autres propositions du CIO : « autoriser les opticiens à informer leurs clients sur l'ensemble de ses prérogatives y compris en dehors du magasin et faire apparaitre cette mention de manière lisible sur l'ordonnance pour s'assurer de la pleine information de tous les porteurs qui est de nature à désengorger les cabinets ».
Une dynamique de “l’aller-vers” - faciliter l'optique en mobilité
Matthieu Gerber a également pris la parole pour présenter l'expérience acquise chez les Opticiens Mobiles, et les solutions pour faciliter l’accès à la santé visuelle des personnes fragiles, qui ont des difficultés à accéder à un point de vente classique. Une nouvelle forme d'exercice à été créé dans ce cadre : l'opticien coordinateur en santé visuelle. C'est une réponse à des besoins muets et insatisfaits, afin de “ faciliter l’accès à la santé visuelle pour tous avec bienveillance”.
Monsieur Gerber a ainsi présenté 4 solutions et propositions pour faciliter l’accès à la santé visuelle :
1. La réfraction en mobilité dans le strict respect de la confidentialité et des conditions d’hygiène définies.
2. Un meilleur accès à l’ordonnance en s’appuyant sur la télé-expertise entre opticiens et médecins ophtalmologistes.
3. La primo-prescription encadrée pour les opticiens disposant d'un master en pratique avancé.
4. L’intégration du financement des actes de réfraction, examens complémentaires et dépistage réalisés en mobilité.
Ouvrir des perspectives
Pour mettre en avant votre savoir-faire et vos compétences, de nouvelles prestations où les besoins visuels ne sont suffisamment couverts, peuvent être développées : la basse vision, la prévention ou encore le conseil en milieu professionnel.
« L'ensemble des opticiens doivent se saisir des dispositifs existants. Il faut également que l'on arrive à objectiver auprès des institutions le travail réalisé en utilisant les cotations d'actes qui existent sur l'examen de vue dans le cadre du renouvellement avec adaptation. Ne pas utiliser ces cotations constitue un point faible pour démontrer tout le travail entrepris auprès des instances », a conclu Yannick Dyant.
Organisation des débats : AOF
Montage et diffusion : AOF
Texte de cet article : source Acuité