Depuis plusieurs années, la profession s'accorde sur la nécessité de réformer la formation des opticiens. Des travaux sur la réingénierie du diplôme ont été menés en ce sens, un dossier complexe avec, encore aujourd'hui, des zones d'ombres qui persistent.

 

 

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Pour partager leur vision et échanger sur les enjeux du parcours de santé visuelle de demain, Laure-Anne Copel, secrétaire générale du CIO (Conseil Interprofessionnel de l'Optique), Serge Baribeaud, président du Cnof (Collège national des opticiens de France), Thibaut Pichereau, délégué général du Rof (Rassemblement des opticiens de France) et Yannick Dyant, président de l'AOF (Association des optométristes de France), sont intervenus lors de la 40e édition du Congrès d'Optométrie et de Contactologie (COC). La Fnof invitée, n’était pas représentée. Le Synom est intervenu dans une autre table ronde.

 

Redonner à l'opticien une dimension de professionnel de santé


Lors de cette présentation, les 4 intervenants ont insisté sur la nécessité de définir les contours d'une nouvelle profession : opticien de santé. Dans cette perspective, la formation joue un rôle clé.

Le CIO qui rassemble l'ensemble des représentants de la profession (Casopi, Fnof, Gifo, Rof et Synom) a publié récemment le premier livre blanc de la filière santé visuelle 2030. Dans ce document, le CIO préconise la création d'un master de pratique avancée commun aux orthoptistes et aux opticiens. Parmi les autres propositions : renforcer l'enseignement en contactologie et en basse vision en tronc commun (pour les 3 « O ») et créer des modules de spécialisation.

De son côté, le Cnof a rédigé un référentiel d'activités et de compétences basé sur l'universitarisation de la profession avec un parcours LMD (licence, master, doctorat) en faculté de médecine.

 

L'architecture est la suivante :

- Une formation de 3 ans au niveau licence donnant le droit d'exercice ;
- Une formation de 5 ans : avec la possibilité de poursuivre vers des masters de pratiques avancées : master d'optique appliquée et master de santé visuelle.
- Un doctorat pour la recherche et l'enseignement.
Pour acquérir ce statut d'opticien de santé, l'ensemble des intervenants se sont exprimés en faveur d'une intégration de la nouvelle formation d'opticien vers les facultés de médecine (plutôt qu’en facultés de sciences). La raison ? Faciliter les échanges avec les autres professionnels de santé de la filière visuelle. « Dès que l’on aborde le sujet de la délégation de tâches aux opticiens, on nous retorque le manque de formation en santé et le fait de ne disposer que d’un BTS. Le rapport Igas qui est le fruit de la concertation de tous les acteurs de la santé visuelle doit servir de base à la réflexion. On parle d’une formation en 3 ans avec des modules communs aux orthoptistes et aux opticiens puis d’un Master en pratiques avancées accessible aux deux professions. Si on ne se dirige pas vers les facultés de médecine dans la réingénierie de la formation, on se coupe tout de suite de la possibilité d’évoluer dans nos pratiques futures, et nous risquons d’être considérés uniquement comme des délivrants de dispositifs médicaux », a souligné le délégué général du Rof.

 

Acquérir plus des connaissances et réaliser des stages


Reste également à s’entendre sur les modalités : se dirige-t-on vers un BTS OL complété par une 3e année d'études ou s'agira-t-il d'une véritable refonte du diplôme à un niveau bac +3 ? Le débat reste entier. Pour le Cnof, « la formation à 3 ans est d'une importance capitale pour être intégrée dans le système LMD ». « 3 ans dans l'idéal tout de suite et si pas possible on fera preuve de flexibilité pour à terme, compléter la réingénierie du diplôme d'opticien en mettant en place des modules communs de formation avec les orthoptistes », indique Yannick Dyant. Pour le Rof, l’objectif est bien une refonte en 3 ans, les modalités pour y arriver devront faire partie des discussions.

Pour l'ensemble des syndicats, cette volonté de rebâtir la formation s'inscrit dans la perspective d'une montée en connaissance en matière de santé avec des stages, plus de notions en pathologies… sans enlever la partie technique du métier d'opticien. Prochain défi : établir un document commun qui convienne à tous les acteurs afin de porter le sujet auprès de l’organisation de la direction générale de l’offre de soins (DGOS) qui a reporté le rendez-vous du début du 2nd semestre à la fin de l'année 2022.

 

3 ministères comme interlocuteurs


Pour mener à terme cette réforme, la tâche est ardue. La difficulté consiste à accorder 3 ministères : celui de l’Éducation nationale, celui de l’Enseignement supérieur et celui du ministère de la Santé.

Le ministère de l'Éducation nationale souhaite absolument garder le BTS OL dans son giron. C'est lui qui paie actuellement les professeurs. Mais le ministère de l’Enseignement supérieur n’a pas spécialement les budgets prévus, ni les places pour assurer une formation dans ses universités. Par ailleurs, le ministère de la Santé a actuellement d’autres priorités à gérer que le diplôme d’opticien... Tout en sachant qu’une des difficultés sera de trouver des stages hospitaliers pour 2 000 à 2 500 étudiants opticiens…

Questions de la salle - réponses des intervenants
À la fin des interventions, des questions ont été posées par les personnes présentes dans la salle.

En passant d'une formation de 2 à 3 ans qui donnerait droit à l'exercice, qu'en est-il des opticiens formés en 2 ans ?
Réponse de Thibaut Pichereau : « On constate que plus de 70% des opticiens suivent une formation complémentaire post BTS : licence, CQP, DU… Une période de transition sera nécessaire pour tenir compte des opticiens titulaires du BTS et de cette réalité. Il faudra trouver des solutions soit par la VAE, soit par des équivalences… Des discussions devront être menées. On ne peut pas laisser une partie de la filière sur le carreau ».

Yannick Dyant partage le même point de vue : « Aucune formation complémentaire n'a été demandée à d'autres professionnels qui ont vu leur formation passée de 2 à 3 ans. Je ne vois pas pourquoi les opticiens feraient exception. Néanmoins, il me semble important que les obligations de formation continue soient renforcées, notamment le DPC avec de vraies obligations et un véritable suivi pour accompagner la profession vers des compétences plus élevées et encore plus de professionnalisme ».

 

Pourquoi parler d'opticien de santé ?

 

Actuellement, pour le ministère de la Santé, l'optique souffre d'un déficit de 1 400 heures en santé dans son cursus. Pour acquérir ce vrai statut de professionnel de santé, « la solution est d'augmenter le nombre d'heures de formation pour l'opticien, en passant en faculté de santé », a fait savoir Serge Baribeaud. « On nous reproche un manque de connaissance en pathologies oculaires, en pathologies générales et un manque de coopération avec les autres professions de santé. Il nous semble donc important de se projeter dans l'université médicale et hospitalière ».
« Cela nous permettra de gagner en confiance vis-à-vis de nos partenaires ophtalmologistes et orthoptistes et des pouvoirs publics pour prétendre à davantage de délégations », a complété Thibaut Pichereau.

 

Organisation des débats : AOF
Montage et diffusion : AOF

Texte de cet article : source Acuité